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L'A.P.E.R.I.T.I.F.


Acte I



La scène se situe dans le petit salon du château de Vielfort, résidence de la baronne Fournois de Verbancourt. Un canapé, une table basse, quelques fauteuils et une armoire meublent la pièce. Il y a une entrée à gauche, une à droite. Au lever de rideau, la scène est vide. Un coup de sonnette retentit. La baronne entre à gauche, jette un coup d'œil, affolée car la pièce n'est pas en ordre.

 

La Baronne, à part : Mon Dieu, déjà ! Ce n'est pas encore l'heure, pourtant. (haut) Voilà, voilà !  J'arrive !

 

(Elle sort à droite)

 

Voix de Mme de Greffignac, en coulisse : Bonjour, comment allez-vous ?

 

Voix de la baronne : Ah, c'est vous, chère amie ! Entrez, entrez.

 

(Elles apparaissent toutes les deux à droite, Mme de Greffignac porte une valise.)

 

Mme de Greffignac : Je me suis permis de venir plus tôt pour vous proposer mon aide. Vous devez avoir tant à préparer !

 

La Baronne : C'est juste, et je vous remercie. Dans ce cas, posez votre valise et aidez-moi à mettre de l'ordre. Organiser le premier congrès de notre jeune association n'est pas une mince affaire. Il faut transformer la salle de réception du château en salle de conférence, préparer toutes les chambres pour accueillir nos adhérentes...

 

Mme de Greffignac : Mais c'est le rôle de vos domestiques !

 

La Baronne : Hélas, ma chère, je n'ai plus de personnel. En tant que présidente de l'Association Pour l'Emancipation, la Réhabilitation, l'ImmunitéTotale et l'Indépendance de la Femme, (épelant) l'A.P.E.R.I.T.I.F., ...

 

Mme de Greffignac : ... autrement dit: "l'APERITIF"...

 

La Baronne : ...je ne pouvais employer du personnel féminin. Quant au personnel masculin, il a brusquement démissionnéen apprenant que notre association se réunirait en congrès ici même. Ils acceptaient de me servir en tant que veuve du  baron Fournois de Verbancourt, à qui ils étaient très attachés, mais refusaient de se ridiculiser devant des centaines de femmes méprisantes.

 

Mme de Greffignac : Ils ignorent donc que notre association ne comporte qu'une vingtaine d'adhérentes, dont certaines ne pourront pas venir ?

 

La Baronne : Oui, puisque je leur ai dit moi-même que nous étions très nombreuses. Ce n'est pas tout-à-fait exact aujourd'hui, mais d'ici quelque temps je suis persuadée que nous serons des milliers.

 

Mme de Greffignac, peu convaincue : Bien sûr, Madame la Présidente.

 

La Baronne : Je vous en prie, pas de formalitéentre nous ! Appelez-moi baronne, tout simplement.

 

Mme de Greffignac : Que voulez-vous que je prépare, baronne ?

 

La Baronne : Je crois que tout est prêt ici, maintenant. Accompagnez-moi dans les chambres, si vous voulez. Vous pourrez déposer vos bagages et m'aider à terminer le rangement.

 

(Mme de Greffignac reprend sa valise et suit la baronne à gauche.)

 

 

Scène 2

 

 

(Un temps, puis nouveau coup de sonnette. Mme de Greffignac revient, traverse la scène et sort à droite.)

 

Mme de Greffignac, en coulisse : Bonjour. Entrez, je vous en prie.

 

Mme Filonet, en coulisse : Merci bien. Tu viens, Rose ?

 

(Mme de Greffignac, Mme Filonet et sa fille, qui porte leurs bagages, entrent à droite.)

 

Mme Filonet : Nous ne sommes pas trop en avance ?

 

Mme de Greffignac : Mais non. D'ailleurs, vous voyez, vous n'êtes pas les premières.

 

Mme Filonet : Madame la baronne n'est pas là ?

 

Mme de Greffignac : Si, si. Elle termine les derniers préparatifs, elle viendra dans quelques instants. Mettez-vous à l'aise, installez-vous. Avez-vous fait bon voyage ?

 

Mme Filonet : Très bon, merci.

 

Mme de Greffignac : Puis-je vous offrir un verre d'eau minérale ?

 

Mme Filonet : Volontiers.

 

Mme de Greffignac : Votre fille en prendra-t-elle aussi ?

 

Mme Filonet : Oui, s'il vous plaît. (Elle les sert.) Merci beaucoup. Rose, dis merci à Mme de Greffignac.

 

Rose : Merci.

 

Mme de Greffignac : C'est une bien jolie fille que vous avez là.

 

Mme Filonet : N'est-ce pas ? Elle me ressemble assez... du moins, quand j'avais son âge.

 

(Coup de sonnette. Mme de Greffignac va accueillir les nouvelles arrivantes.)

 

 

Scène 3

 

 

Mme de Greffignac, en coulisse : Soyez les bienvenues. Suivez-moi.

 

(Elle revient suivie de Mlles Franton, Rélin et Patier.)

 

Mme de Greffignac : Je vous présente...

 

Mlle Franton : Germaine Franton. Je suis certainement la doyenne de l'association.

 

Mlle Rélin : Edith Rélin.

 

Mlle Patier : Sylvie Patier, du journal « Femme révolutionnaire ».

 

Mme Filonet : Elisabeth Filonet, et Rose, ma fille.

 

(La baronne rentre à gauche.)

 

La Baronne : Ah, vous êtes toutes là ! Excusez-moi de vous avoir laissées attendre. Installez-vous. Vous prendrez bien un verre d'eau minérale ?

 

Mlle Franton : Sans vouloir paraître incorrecte, est-ce tout ce que vous avez à nous proposer ?

 

La Baronne : Peut-être préférez-vous du jus du fruit ?

 

Mlle Franton : Non. J'aurais aimé, si c'est possible, une petite goutte d'alcool.

 

(Vive réaction des autres adhérentes, choquées.)

 

La Baronne : Je ne pensais pas que dans notre association on pouvait succomber aux vices des hommes. Quand on voit le résultat...

 

Mlle Franton : Vous savez, c'est une habitude que j'ai prise bien avant d'adhérer à votre association. Et à mon âge, pour se défaire d'une habitude...

 

La Baronne : Soit. Je vais aller chercher ce qu'il reste dans les réserves du défunt baron.

 

Mlle Franton : Vous êtes trop bonne, Madame la Présidente.

 

(Elle sort à gauche.)

 

Mme Filonet, à sa fille : Ma chérie, veux-tu aller porter nos valises dans notre chambre ?

 

Mme de Greffignac : Je vais vous montrer oú elle se trouve. Venez avec moi.

 

(Rose prend les valises et sort à gauche, la suivant.)

                           

 

Scène 4

 

 

Mlle Patier : Etes-vous déjà venues ici ?

 

Mme Filonet : Non. Aucune d'entre nous, je crois, à part Mme de Greffignac qui est une amie de longue date de la baronne. Mais nous connaissons toutes la baronne pour l'avoir rencontrée lors de soirées de galas ou chez des amies communes.

 

Mlle Patier : Et qu'attendez-vous de ce congrès ?

 

Mlle Rélin : Nous voulons mettre en œuvre des moyens d'action efficaces pour notre mouvement.

 

Mlle Franton : Moi, je souhaite faire partager mon expérience de femme indépendante aux jeunes personnes qui viendront.

 

Mlle Patier : Quant à moi, je suis venue pour écrire un article sur ce congrès et faire connaître l'A.P.E.R.I.T.I.F. à nos lectrices. Mais je ne suis pas ici uniquement en tant que journaliste, je suis moi aussi membre de l'association.

 

Mme Filonet : Je suis également impatiente de découvrir la mystérieuse célébrité du monde scientifique que la baronne nous a promise.

 

Mlle Patier : Personne ne sait de qui il s'agit ?

 

Mme Filonet : Non, personne d'autre que la baronne. Elle tient à nous faire une surprise.

 

(Nouveau coup de sonnette.)

 

Mlle Franton : Tiens, qui attendons-nous encore ce soir ?

 

Mme Filonet : Je vais voir.

 

(Elle sort à droite)

 

 

Scène 5

 

 

Voix d'Adèle : Bonjour. C'est bien ici la réunion de Madame la Baronne ?

 

Voix de Mme Filonet : Le congrès de l'A.P.E.R.I.T.I.F. ? Oui, c'est ici. Entrez.

 

(Elles entrent.)

 

Adèle : Oh ben, y'en a du monde !

 

Mme Filonet : Chères amies je vous présente... euh... (elle attend qu'Adèle donne son nom, mais celle-ci ne semble pas comprendre) Excusez-moi, je ne crois pas connaître votre nom.

 

Adèle : Ah, mon nom à moi ? Pardon, j'ai pas l'habitude d'être présentée. Je m'appelle Adèle Duchoux.

 

(Mme de Greffignac revient à gauche.)

 

Mme de Greffignac : Mme Filonet, votre fille est restée se reposer dans votre chambre et... (Elle s'interrompt, très surprise, en voyant Adèle) Adèle ! Mais que faites-vous ici ?

 

Adèle, aussi surprise : Madame !

 

Mme de Greffignac : Vous participez au congrès, vous aussi ?

 

Adèle : Ben oui, Madame. Mais j' savais pas qu' vous s' rez là.

 

Mme de Greffignac, la reprenant : Non, Adèle: « je ne savais pas que vous y seriez présente ».

 

Adèle : Ben, vous voyez, vous saviez pas non plus.

 

Mme de Greffignac : Ce n'est pas ce que je voulais dire; je rectifiais votre grammaire qui est décidément incorrigible.

 

Adèle : Oh, mais Madame a pas à rectifier c' que j' dis. J' suis plus au service de Madame !

 

Mme de Greffignac : C'est vrai, fort heureusement. Mais, à propos, qui vous a invitée ? Ce n'est tout de même pas la baronne !

 

(La baronne rentre à gauche, une bouteille de whisky à la main.)

 

 

 

Scène 6

 

 

La Baronne : Voilà, ma chère. Je suis parvenue à en trouver une. Mais n'entraînez pas les autres dans vos vices. (Voyant Adèle) Ah, vous êtes là Madame Duchoux ! Soyez la bienvenue.

 

(Pendant ce temps, Mlle Franton se sert un verre de whisky, qu'elle vide d'un trait.)

 

Adèle : Merci, Madame la Baronne.

 

Mme de Greffignac : C'est vous qui l'avez invitée, chère amie ? Vous n'ignorez pourtant pas que c'est une domestique et que je l'ai congédiée.

 

La Baronne : Et vous, vous n'ignorez pas que notre association est ouverte à toutes les femmes, quelque soit leur place dans la société. Lorsque Mme Duchoux est venue me proposer ses services, je lui ai expliquépourquoi je ne pouvais l'employer et je l'ai invitée à se joindre à nous.

 

Adèle, à Mme de Greffignac : Et toc !

 

(Mlle Franton se sert un autre verre, qu'elle vide aussi rapidement que le premier.)

 

La Baronne: Maintenant, si vous le voulez bien, je vous invite à vous rendre dans vos chambres pour déposer vos bagages ou vous changer avant le dîner.

 

Mme de Greffignac : Je vais vous conduire.

 

(Toutes les invitées prennent leurs bagages et sortent à gauche, derrière Mme de Greffignac, Mlle Franton emportant la bouteille de whisky.)

 

La Baronne, à Mme de Greffignac : Chère amie, revenez me voir ensuite, je vous prie. J'ai besoin de vos conseils.

 

 

Scène 7

 

 

La Baronne, prenant un carnet près du téléphone : Voyons, voyons... A qui pourrais-je m'adresser ? J'ai promis à mes invitées de leur présenter une personne importante du monde scientifique. Cela se fait dans tous les congrès importants. Malheureusement, je n'ai trouvépersonne pour le moment.

 

(Mme de Greffignac rentre à gauche.)

 

Mme de Greffignac : Me voici. Je me suis un peu hâtée car j'ai senti que vous aviez besoin de moi.

 

La Baronne : Je vous remercie. Voyez-vous, ma chère, j'ignore encore quelle sera la personne célèbre que je vous ai promise pour demain.

 

Mme de Greffignac : Comment ? Vous nous avez annoncéla venue de quelqu'un sans savoir de qui s'agissait ?

 

La Baronne : Exactement. J'espérais persuader une femme ayant obtenu un prix Nobel de venir soutenir notre action, mais aucune n'est disponible.

 

Mme de Greffignac : Essayez auprès des hommes, tant pis.

 

La Baronne : J'ai essayéégalement, mais la plupart sont en Suède, un grand congrès scientifique se tient là-bas. Ceux qui n'y vont pas sont trop occupés par leurs travaux, ou bien refusent de nous aider sous prétexte que notre mouvement pourrait donner des idées néfastes à leur   épouse.

 

Mme de Greffignac : Ce qu'il vous faudrait, donc, serait un scientifique célèbre, non mariéet disponible dès demain ?

 

La Baronne : Exactement. Vous en connaissez un ?

 

Mme de Greffignac : Peut-être... Un voisin. Mais il est un peu excentrique.

 

La Baronne : Aucune importance. Tous les grands savants le sont.

 

Mme de Greffignac : Je ne sais pas à quel titre nous pourrions l'inviter, ses activités n'ont aucun rapport avec les femmes.

 

La Baronne : Nous ferons croire qu'elles le sont. Est-il très célèbre ?

 

Mme de Greffignac : Il a reçu un prix important il y a quelques années, mais j'ignore lequel.

 

La Baronne : Il fera l'affaire. Acceptera-t-il de venir demain et de séjourner quelques jours parmi nous ?

 

Mme de Greffignac : Je vais essayer de le persuader. (Elle sort de sa poche un petit carnet, décroche le téléphone et compose le numéro.) Allô, je suis bien chez le professeur Serdaber ?  Oui, bonjour je suis Mme de Greffignac, votre voisine.  Pourrais-je parler au professeur, s'il vous plaît ? (Elle sursaute.) Aaah !  Une explosion ! Mon Dieu, que se passe-t-il ? Ah, ce sont les expériences du professeur. Vous allez le chercher ?  Merci.  Non, non, je ne quitte pas. Allô, Professeur ?  Bonjour, je suis Mme de Greffignac. Vous vous souvenez de moi ? Voilà, je suis chez une amie, au château de Vielfort. Nous souhaiterions vous inviter demain pour... Ah, vous ne pouvez pas. Laissez-moi tout de même insister. Nous organisons le congrès de l'A.P.E.R.I.T.I.F.  et... Non, il ne s'agit pas de boire, mais d'un mouvement pour l'indépendance de la femme. Si nous sommes nombreuses ? Eh bien, une quinzaine, dont huit logent au château. Oui, oui, uniquement des femmes. Ah, vous pouvez venir ? C'est merveilleux. Pourrez-vous séjourner quelque temps parmi nous ? également ? C'est parfait, alors. Nous vous attendons demain matin. Ce soir ? si vous voulez, nous préparerons votre chambre. A bientôt alors, cher Professeur, et merci.

 

(Elle raccroche.)

 

La Baronne : Il arrive ce soir ?

 

Mme de Greffignac : Oui. Il prépare ses affaires et embarque dans son véhicule. Il sera là dans peu de temps.

 

La Baronne : Mais il habite loin, s'il est votre voisin.

 

Mme de Greffignac : C'est exact. Mais il emprunte toujours le chemin le plus court: la ligne droite. Le véhicule qu'il a inventéne peut aller que droit devant lui. Il roule, il flotte, il vole...  mais toujours tout droit.

 

La Baronne : Merci beaucoup. Votre aide m'aura étéprécieuse. Maintenant que tout est arrangé, puis-je vous demander de venir m'aider à préparer le dîner ?

 

Mme de Greffignac : Naturellement. Je vous suis.

 

(Elles sortent toutes les deux à droite. Un temps. Puis Adèle rentre à gauche, en vérifiant que personne ne l'observe.)

 

 

                         

Scène 8

 

 

Adèle : Cette fois, elle va payer, la patronne ! enfin... mon ancienne patronne. Monsieur m'a renvoyéparce qu'il croyait que j' lui avais voléde l'argent. En fait, c'était elle, la voleuse, j'en suis sûre! Et elle a rien dit. Eh bien j' vais lui faire regretter ça. A mon tour j' vais la faire accuser d' vol. J' vais piquer que' qu' chose à la baronne et j' me débrouillerai pour qu'on l' retrouve dans ses affaires. Voyons... Qu'est-ce qu'a beaucoup de valeur, ici ?

 

(Elle regarde partout autour d'elle, ouvre l'armoire... La baronne, qui venait chercher les verres restés sur la table, la surprend.)

 

La Baronne : Vous cherchez quelque chose, chère amie ?

 

Adèle, embarrassée : Euh... Je cherchais un livre.

 

La Baronne : Mais vous ne trouverez rien à lire ici ! Il faut aller à la bibliothèque.

 

Adèle : C'est que j' sais pas oú elle est.

 

La Baronne : Je vais vous la montrer. Mais tout d'abord, si vous êtes prête pour le dîner, je vous demanderais de m'aider à préparer le repas. J'ai peu l'habitude de ce travail et votre expérience me serait fort utile.

 

Adèle : Vous en faites pas, moi j' sais c' qui faut faire.

 

(Elles sortent à droite. Un temps. Mme de Greffignac rentre à droite.)

 

 

Scène 9

 

 

Mme de Greffignac : Il est hors de question que je travaille avec la bonne ! Je ne suis pas une domestique ! D'ailleurs je ne peux pas admettre que cette petite voleuse soit ici, membre de la même association que moi. Je vais faire en sorte qu'on la renvoie. Comme c'est une voleuse, je n'ai qu'à placer dans ses bagages un des bijoux de la baronne. Oú peut-elle bien les cacher ?

 

(Après avoir vérifiéque personne ne l'observe, elle commence à fouiller l'armoire. Elle la referme brusquement en entendant un coup de sonnette.)

 

Voix de la baronne : Pouvez-vous aller voir de qui il s'agit, chère amie ? Je suis occupée.

 

Mme de Greffignac : J'y vais, Baronne.

 

(Elle sort à droite.)

 

Voix de Mme de Greffignac : Ah, vous êtes déjà là !

 

Voix de Serdaber : Bonsoir.

 

Voix de Mme de Greffignac : Veuillez me suivre.

 

(Elle revient sur scène, suivie de Serdaber. Il est très essoufflé.)

 

 

 

Scène 10

 

 

Mme de Greffignac : Mais vous avez voyagéà une vitesse prodigieuse !

 

Serdaber : Je suis alléaussi vite que j'ai pu. C'est pour cela que je suis un peu fatigué.

 

Mme de Greffignac : Pourquoi fatigué ? Votre appareil n'est pas entièrement automatique ?

 

Serdaber : Normalement, oui. Mais j'ai encore eu une panne, et j'ai dû pédaler. Le fichu matériel électrique que l'on trouve dans le commerce ne résiste pas à la puissance de mon engin. Je suis encore une fois victime de mon génie.

 

Mme de Greffignac : Cela doit être souvent difficile, en effet, pour un homme d'exception comme vous de vivre dans le même monde que les gens ordinaires. Excusez-moi un instant, je vais chercher Madame la Baronne pour vous présenter.

 

(Elle sort à droite.)

 

 

Scène 11

 

 

Serdaber : Ah ! Maintenant, je vais pouvoir tester ma nouvelle invention: le philtre d'amour. Le produit n'est pas encore parfaitement au point, mais je ne pouvais rater une telle occasion. Toutes ces femmes pourront me servir de cobayes et comme je suis le seul homme ici, c'est de moi qu'elles tomberont amoureuses. Je saurai donc tout de suite si ça marche.

 

(La baronne et Mme de Greffignac reviennent à droite.)

 

 

Scène 12

 

 

La Baronne, très mondaine : Professeur, je suis enchantée de vous rencontrer. On m'a tant parléde vous !

 

(Elle lui tend la main pour un baise-main, il ne comprend pas et la lui serre.)

 

Serdaber : Ah bon. Dites-donc, oú est mon laboratoire ?

 

La Baronne : Votre laboratoire ? Que voulez-vous dire ?

 

Serdaber : Je ne peux pas interrompre mes expériences plusieurs jours. J'ai donc apportémon matériel et je vous demande oú je peux l'installer.

 

La Baronne : Eh bien, je n'avais pas envisagéla chose...

 

Serdaber : Vous avez bien une cave ?

 

La Baronne : Oui, naturellement. Mais elle est sombre, humide, sale...

 

Serdaber : Ça fera parfaitement l'affaire. Oú est-elle ?

 

Mme de Greffignac : Suivez-moi, je vais vous montrer.

 

La Baronne : Merci, chère amie.

 

(Mme de Greffignac et Serdaber sortent à gauche, la baronne à droite. Serdaber revient et traverse la scène.)

 

 

Scène 13

 

 

Serdaber : C'est parfait. Je vais pouvoir tester et perfectionner mon invention. Mais je n'ai pas une minute à perdre.

 

(Il sort à droite. Mme de Greffignac rentre à gauche.)

 

Mme de Greffignac : Professeur ? Il n'est plus là. Très bien. Je vais pouvoir chercher les bijoux de la baronne. Je sais qu'elle les cache dans cette pièce. (Elle ouvre l'armoire et la referme presque aussitôt car Serdaber revient sur scène, les bras chargés de matériel, et sort à gauche.) Bon, cette fois il est passé. (Elle ouvre de nouveau l'armoire... et la referme car Serdaber traverse la scène de nouveau.) Il faut pourtant que je trouve rapidement ces bijoux pour qu'Adèle soit renvoyée le plus vite possible. (Serdaber traverse la scène, avec du matériel.) Avez-vous encore d'autres instruments, professeur ?

 

Serdaber : D'autres instruments ? Non, non. Ce sont les derniers.

 

(Il sort. Elle ouvre l'armoire, puis la referme car Serdaber revient encore une fois.)

 

Mme de Greffignac : Je croyais que vous aviez déjà tout votre matériel.

 

Serdaber : Je n'ai plus que mes livres à prendre.

 

(Il sort à droite.)

 

Mme de Greffignac : Il faut que je trouve les bijoux avant que les autres ne descendent pour le dîner.

 

(Serdaber traverse la scène, les bras chargés de livres et de cahiers énormes.)

 

Serdaber : Voilà. Cette fois mon laboratoire est complet.

 

Mme de Greffignac : Heureuse de l'apprendre. (Dès qu'il est ressorti, elle ouvre l'armoire et reprend ses fouilles. Serdaber revient presque aussitôt. Mme de Greffignac, qui ne l'attendait plus, n'a pas le temps de refermer l'armoire.) Ah ! Vous êtes encore là !

 

Serdaber : J'ai oubliéma valise.

 

(Il sort à droite.)

 

Mme de Greffignac : Tant pis ! Maintenant qu'il m'a vue le nez dans cette armoire, autant continuer mes recherches.

 

(Serdaber traverse avec sa valise et ne lui prête aucune attention.)

 

Serdaber : Et maintenant, au travail !

 

(Il sort à gauche. Les recherches de Mme de Greffignac semblent vaines.  Mme Filonet et sa fille reviennent sur scène à gauche. Elles ont changéde robe.)

 

 

 

Scène 14

 

 

Mme Filonet : Viens, ma chérie. Je pense que le dîner sera bientôt prêt.

 

Mme de Greffignac : Ah ! (Elle referme rapidement l'armoire.) Comment trouvez-vous votre chambre ?

 

Mme Filonet : Elle est parfaite. Nous devons d'ailleurs en remercier la baronne. Le dîner est-il prêt ?

 

Mme de Greffignac : Pas tout-à-fait. Et tout le monde n'est pas descendu.

 

Mme Filonet : Rose, en attendant, tu pourrais te promener dans le parc.

 

Rose : Oui, Maman.

 

(Elle sort à droite.)

 

Mme de Greffignac : Vous devriez l'accompagner. Le parc est splendide.

 

Mme Filonet : Je préfère rester ici. Le voyage m'a épuisée. Et puis nous sommes ici pour plusieurs jours. Je visiterai le parc plus tard.

 

Mme de Greffignac, contrariée : Comme vous voudrez.

 

(Rose rentre précipitamment à droite.)

 

Rose : Maman ! Maman ! Viens vite voir. Il y a une machine bizarre dans le parc.

 

Mme de Greffignac : Ce n'est que le véhicule du professeur.

 

Mme Filonet : Quel professeur ? Vous voulez dire que le célèbre scientifique promis annoncépar la baronne est arrivé ?

 

Mme de Greffignac : Oui. Il est déjà à la cave en train de poursuivre ses expériences.

 

Mme Filonet : Qui est-ce ? Dans quel domaine travaille-t-il ? Pourquoi a-t-il étéchoisi ?

 

Mme de Greffignac : Je laisserai la présidente vous le présenter. C'est à elle de le faire. Mais je vous conseille d'aller observer son appareil. C'est très étrange.

 

Mme Filonet : J'y vais. J'ai toujours admiréle génie des grands scientifiques. Viens avec moi, Rose.

 

Rose : Oui, Maman.

 

(Elles sortent à droite. Mme de Greffignac retourne tout de suite à l'armoire et reprend ses recherches. Elle est interrompue encore une fois, par Mlles Franton et Rélin qui rentrent à gauche.)

 

 

Scène 15

 

 

Mlle Franton : Nous sommes prêtes pour le dîner, Madame la Présidente.

 

Mme de Greffignac, refermant vivement l'armoire : La baronne n'est pas là. Elle achève les préparatifs du repas.

 

Mlle Franton : Alors je vais aller marcher un peu dans le parc.

 

Mlle Rélin : Moi, je vais proposer mon aide à la baronne.

 

(Elles sortent à droite.)

 

Mme de Greffignac : Bon. Je n'ai pas trouvéde bijoux dans l'armoire. Pourtant je suis sûre qu'ils sont dans cette pièce.

 

(Elle regarde autour d'elle, et s'agenouille pour jeter un coup d'œil sous le canapé. C'est dans cette position qu'elle se trouve lorsque Mlle Patier entre à gauche.)

 

 

 

Scène 16

 

 

Mlle Patier : Vous avez perdu quelque chose ?

 

Mme de Greffignac, se relevant vivement : Oui.

 

Mlle Patier : Quoi donc ? Je peux peut-être vous aider à chercher.

 

Mme de Greffignac : Eh bien, c'est... une bague.

 

(Elle place ses mains derrière son dos, ôte une de ses bagues et la lance discrètement à l'autre bout de la scène.)

 

Mlle Patier : Etes-vous certaine que vous l'avez perdue dans cette pièce ?

 

Mme de Greffignac : Pas tout-à-fait.

 

 

Scène 17

 

 

(La baronne revient sur scène à droite.)

 

La Baronne : Chères amies, le dîner est prêt. Oú se trouvent les autres invitées ?

 

Mme de Greffignac : Elles sont dans le parc. Je vais les prévenir.

 

La Baronne : Le professeur est-il toujours dans son laboratoire ?

 

Mme de Greffignac : Oui, je crois.

 

La Baronne : Bien. Nous viendrons le chercher dans un instant. Je voudrais d'abord l'annoncer à nos amies.

 

(Elles sortent toutes les trois à droite. Un instant plus tard Serdaber rentre à gauche, l'air excité. Il tient à la main un verre contenant un liquide d'une étrange couleur.)

 

 

Scène 18

 

 

Serdaber : Ça y est! Je suis prêt pour le premier essai. Si tout se passe bien, la personne qui boira cette potion tombera amoureuse de la première personne du sexe opposéqu'elle verra. Donc si je la fais boire à l'une de ces femmes, elle me tombera aussitôt dans les bras. (Changeant de ton, comme s'il donnait un cours) Le principe de mon invention est simple: ce produit agit sur le psychisme du sujet. Il va en accentuer la féminitéà tel point qu'elle aura absolument besoin d'un homme, donc de moi.

                     

 

Scène 19

 

 

(Mlle Rélin rentre à droite.)

 

Mlle Rélin : Professeur ! Ah, vous êtes là. La baronne m'envoie vous chercher pour le dîner. Elle vient d'annoncer votre venue aux membres de notre association. Nous sommes toutes impatientes de faire votre connaissance.

 

Serdaber : J'en suis flatté. Mais avant de les rejoindre, me ferez-vous l'honneur de boire ce verre ?

 

Mlle Rélin, inquiète : Oh, quelle belle couleur ! C'est très original. Qu'est-ce que c'est ?

 

Serdaber : Euh... J'ai oubliéle nom. C'est un ami explorateur qui me l'a apportéd'un pays lointain. Pour moi, c'est tout simplement un apéritif.

 

Mlle Rélin : Dans ce cas, je dois refuser. Nous ne buvons pas d'alcool.

 

Serdaber, à part : Saperlipopette ! (haut) Mais non, il n'y a pas d'alcool. Je... je l'ai appelé« apéritif » uniquement en l'honneur de votre association.

 

Mlle Rélin : C'est très gentil de votre part. Dans ce cas, je veux bien le boire.

 

(Elle prend le verre et le vide rapidement.  A peine l'a-t-elle reposéqu'elle s'immobilise. Puis elle secoue la tête dans tous les sens. Elle s'immobilise de nouveau, droite, les yeux fermés.)

 

Serdaber, à part : Ça y est ! Ça marche ! Elle va être folle de moi !

 

(Il ouvre les bras pour l'accueillir, persuadéqu'elle va se jeter à son cou. Mlle Rélin rouvre les yeux.)

 

Mlle Rélin, criant : Ah ! Je sais enfin qui je suis vraiment.

 

Serdaber, surpris : Tiens !

 

Mlle Rélin : Je suis Jeanne d'Arc !

 

Serdaber, à part : Oh là là ! (haut) Mais non ! Nous sommes au vingtième siècle et vous êtes membre d'une association pour l'indépendance de la femme.

 

Mlle Rélin : Oui. Je me suis réincarnée, avec une nouvelle mission: bouter l'homme hors de notre monde. Sus à l'ennemi !

 

(Elle se précipite sur Serdaber, qui s'enfuit à droite.)

 

Serdaber : Au secours !

 

Elle le poursuit en hurlant tandis que se ferme le

 

R  I  D  E  A  U

 

 

 

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